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La construction publique des questions sociétales

Action de recherche 3

action 3

La trajectoire ou la « carrière » d’un événement ou d’une situation et sa progressive transformation en questionnement social dans la sphère publique constitue une orientation forte de cette action de recherche.

Il s’agit d’approfondir la connaissance des processus qui conduisent à la construction d’une légitimité sociale d’un sujet et à sa publicisation. Si le terme de circulation est généralement retenu pour indiquer les déplacements d’un champ social à un autre, il ne nous parait pas pertinent pour traiter les enjeux, les conflits et les rapports de force qui entrainent ces déplacements et pour identifier les recadrages et même les nouvelles problématisations qui en découlent.  Cette dynamique est traitée à travers des notions qui indiquent un processus. Ainsi, le travail de l’action de recherche tend à approfondir les tensions ou les tendances qui semblent s’opposer par exemple entre privatisation et publicisation, entre spécialisation et universalisation d’une question sociétale, entre politisation et dépolitisation. Ces dynamiques nécessitent d’appréhender ces mouvements et les stratégies d’acteurs (les associations, le champ journalistique et les structures publiques et culturelles ou socio-économiques) sur un temps long.

Dans ces mouvements de privatisation et de publicisation, la communication publique joue un rôle important. La communication de l’Etat vise à asseoir et à conforter la légitimité de celui-ci, et sa ré-institutionnalisation. Cependant il est de plus en plus en relation avec différents types d’acteurs (agences publiques, collectivités territoriales, entreprises) qui tendent à le concurrencer ou à prendre en charge des fonctions précédemment assurées par le secteur public. Se pose alors la question de savoir comment la communication contribue à spécifier l’action de l’Etat et à la distinguer de celle des autres acteurs. Il s’agit également de caractériser ces mouvements de privatisation d’une question publique et de publicisation d’une question privée. L’une des clés d’explication porte sur le fait que la communication publique se caractérise moins par la dépolitisation de questions sociétales (par exemple à travers la prévention) que le développement des actions de l’Etat visant à renforcer l’auto-contrainte dans les pratiques sociales des individus. D’une certaine manière dépolitisation et contrôle social vont de pair. Dans ce cadre, l’action de recherche se donne également pour objectif d’analyser les conflictualités sociales (et leurs stratégies info-communicationnelles) qui visent le plus souvent à repolitiser les questions sociétales, et ceci à travers l’analyse des médias et des stratégies militantes sur les médias numériques.

Ainsi la construction publique des questions sociétales est en lien avec les politiques publiques et leur mise en public : parmi les actions menées, un accent tout particulier est mis, par les acteurs publics, sur l’évaluation de ces dernières et de leurs « effets », point déterminant de la « ré-institutionnalisation ». Il s’agit donc de considérer les usages stratégiques et communicationnels de « l’évaluation de l’action publique », en interrogeant les méthodologies convoquées.

Par ailleurs la construction publique des questions sociétales est dépendante de la capacité des acteurs à produire une expertise reconnue. Celle-ci peut être relevée par les acteurs publics, par les associations ou par des mouvements sociaux. Elle renvoie de manière plus large à la place des apports scientifiques et de l’expertise scientifique dans la communication publique ou dans la conflictualité sociale, (et leur légitimité face aux « savoirs de l’expérience »). Ainsi « l’expertisation » devient un processus à part entière des modalités de publicisation et de médiatisation d’une question sociétale.
De manière plus large, si la construction publique d’une question est souvent liée à un certain cloisonnement des champs sociaux, l’émergence de certaines thématiques conduit la recherche à aborder parfois, dans certains cas, leur enchevêtrement et leur interdépendance. La question est alors de savoir ce qui conduit à la prédominance d’un champ sur un autre.

Coordination

Sylvie Bardou-Boisnier
Jean Philippe de Oliveira

Publié le 9 décembre 2020

Mis à jour le 12 décembre 2023